CORBEAU BLUES
(P. Dudan, R. Kaech/P. Dudan)

Allez savoir pourquoi… pourquoi et de quel droit ?
Un satané corbeau vient se poser sur mon piano ?
Il est loin d'être beau… et de sa rauque voix
Ne fait que répéter « quoâ… quoâ… quoâ ! »
Pourquoi ce noir clin d'œil ? De quoâ est-il en deuil ?
Ce satané corbeau ressemble au corbeau d'Edgar Poe.
S'il veut me faire la peau… têtu comme un écueil,
Je défierai l'oiseau… quoâ qu'il me veuille !
Pourquoi faut-il qu'à grands coups secs
II percute le bois de son bec ?
Pourquoi faut-il, quand je lui crie « assez » !
Qu'il continue à croasser ?
Parfois il fait des bonds, me fixe d'un œil rond…
Je suis machinal'ment tous ses mouv'ments d'oiseau dément
J'ai beau dire « à quoâ bon ? »… m'en foutre éperdument
L'œil du corbeau m'attire comme un aimant !

Pour calmer mon émoi, je tente à chaque fois
De pondre un air nouveau que j'improvise à mon piano…
Soudain je chante faux… et j'ai honte de moi…
Et le vilain corbeau fait « quoâ… quoâ… quoâ ! »
Je rêve, c'est mon droit, de m'évader parfois…
Et je me vois parti pour Trinidad ou Tahiti…
Je rêve que j'y suis !… Il suffit que j'y croie…
« Quoâ… quoâ ! » Le noir corbeau se fout de moi !
Combien de jours, combien de nuits
Viendra-t-il becqueter mon ennui ?
Est-il le cri d'un amour trépassé ?
Qui s'acharne à me tracasser ?
Si le corbeau tout noir me hante chaque soir,
J'ai bien compris pourquoi : II est veuf d'amour comme moi !
Dans notre désespoir, unis comme il se doit,
Nous croassons désormais à deux voix !
« Quoâ… quoâ ! » voilà pourquoi
En frères siamois,
Nous croassons pour toujours à deux voix !