LE PRINCE ET LE PIANO
(P. Dudan/P. Dudan)

Ce piano de concert de Saint-Pétersbourg,
Echoué dans un bar,
Agonise
A Venise,
Près du Pont des Soupirs…
Sur son clavier martyr
Ne jouent plus que trois basses…
Noircies, cariées,
Infiniment profondes…
Comme la voix des Popes
Du Tzar
Assassiné…
Ce piano de concert
Oublié sur la terre,
Il n'a plus qu'à se taire…
Un Prince solitaire,
Exilé sur la terre,
Vêtu comme un clochard,
Est venu par hasard
S'accouder a ce bar…
Il a vu le piano…
Fait chanter les trois basses…
Et s'est mis à pleurer doucement,
Pour lui seul…
Personne autour de lui n'a pu s'en rendre compte.
Son chagrin était noble, il n'en avait pas honte.
Il pleurait en silence en se tenant bien droit.
Oui, ce monde est plus mort encore qu'on le croit.
Le Prince et Piano sont deux noyés paisibles
Au fond d'un océan de silence et d'oubli…
De longs poissons diaprés, des algues impassibles.
Bordent sans y penser… leurs fluides ciels de lit…